Cet article élabore le concept de "communauté transnationale" comme forme originale et potentiellement puissante d'adaptation par le bas à la mondialisation du capital qui est ignorée par la recherche conventionnelle et mécomprise par les Etats. L'émergence de communautés nourries par les migrations qui se tiennent à cheval sur les frontières politiques et déploient leurs relations et leurs activités sociales simultanément dans le pays de départ et le pays d'accueil trouve sa racine dans la logique même de l'expansion capitaliste. L'entreprenariat transnational, qui tire profit des différentiels d'information et de prix entre pays, nourrit la croissance cumulative de réseaux et de firmes dans lesquels s'ancrent les communautés transfrontalières de longue distance dont les membres vivent une "double vie" étirée à travers deux sociétés nationales. Ce mode distinctif d'adaptation immigrante est favorisé par l'assèchement des emplois industriels bien payés dans les pays avancés ainsi que par la diminution des coûts de communication et de transport à longue distance. A terme, la transnationalisation du travail, dont les communautés transnationales sont la manifestation, est capable de freiner la croissance de l'inégalité internationale de richesse et de pouvoir. Néanmoins, dans le court terme, elle peut avoir l'effet inverse et creuser les disparités régionales et de classes dans les pays d'émigration.
Au Vietnam, le développement de la production de la soie sur les hauts plateaux centraux est indissociable de la politique de création des nouvelles zones économiques. Après une présentation chronologique des migrations dirigées depuis les accords de Genève (1954) jusqu'aux années 1990, le texte analyse les modalités de conquête d'un espace agricole voué à la sériciculture et retrace l'évolution des structures d'encadrement de cette activité agro-industrielle. L'auteur met en exergue le rapport entre migrations dirigées et développement de la filière séricicole dans le cadre du passage au "socialisme de marché" - qui concilie dirigisme étatique et privatisation. L'approche ethno-historique de ces migrations permet d'appréhender la manière dont les changements économiques et politiques affectent l'existence des acteurs et éclaire ainsi la dynamique de la différenciation sociale.
La contribution des travailleurs étrangers au développement industriel de la France a conditionné l'essor économique et les progrès techniques au cours des 150 dernières années. Cet article est centré sur cet apport économique à partir des grandes découvertes et des grandes inventions, le besoin de la France en main-d'oeuvre étrangère, la xénophobie et le mépris des périodes de croissance économique ainsi que sur la participation politique et sociale des travailleurs étrangers.
Ce rapport de synthèse résume les deux volumes d'une recherche historique très approfondie sur la genèse de l'immigration algérienne et sur son développement après l'indépendance nationale. Cette étude a pu être menée grâce aux travaux et aux bibliographies thématiques existant sur la région parisienne, sur la Lorraine, sur le Nord-Pas de Calais, sur la région de Marseille et de Lyon. De plus, une partie de cette enquête aborde l'histoire du mouvement nationaliste, la guerre des Algériens en France, les problèmes posés par l'intégration (qui n'est pas à confondre avec l'assimilation). A la fin, il est montré que l'islam ne constitue qu'un référent culturel identitaire et que la matrice kabyle initiale de cette migration a connu de profondes transformations.
Ce thesaurus est le résultat du recensement des principaux termes et définitions relatifs à la question de la traite et de l'esclavage des XVème au XIXème siècles. Entre la fin du XVème siècle et le milieu du XIXème siècle un gigantesque trafic a été mis en place entre l'Europe, l'Afrique et les Amériques et a donné lieu à la déportation de plusieurs millions d'Africains. Ce trafic qui a commencé avec les besoins en main-d'oeuvre des puissances européennes pour leurs possessions coloniales, a connu plusieurs variantes au cours des quatre siècles suivants.
La reconsidération du paradigme des facteurs de rejet-attrait, construit sur l'équation "abondance d'emplois aux Etats-Unis versus pauvreté endémique dans les pays d'Amérique Latine", démontre que cette thèse ne fournit pas une explication satisfaisante des causes de l'immigration hispanique et qu'elle renforce fortement les représentations courantes des "invasions d'immigrés clandestins mexicains, pauvres et prolifiques occupant les emplois des Américains". Le cas des migrations de retour et de la participation des femmes à la force de travail fait l'objet d'une attention particulière dans cette approche.
Cette analyse de la situation économique des migrantes latino-américaines agées aux Etats-Unis comporte un examen de leur statut social et de leur participation à la force de travail - incluant les facteurs (sexe, race, niveau d'éducation, santé) qui ont affecté cette participation - durant leur vie active. Elle se poursuit par l'étude des indicateurs socioéconomiques en tant qu'indices des revenus durant le troisième âge. La conclusion souligne l'aggravation des désavantages avec la vieillesse et le lien entre niveau économique, race et sexe. Des recommandations sont proposées pour assurer aux migrantes une égalité de salaire et de chances d'emploi.
Pendant plus d'un siècle, les Tobas de l'ouest de Formosa (Argentine), à l'instar de tous les Indiens du Chaco occidental, ont été recrutés en tant que main-d'oeuvre saisonnière par différents secteurs agricoles de la région. Malgré l'importance et la continuité historique des migrations de main-d'oeuvre dans la dynamique économique de ce groupe, divers facteurs permettent à une bonne partie des groupes domestiques tobas d'éviter la vente saisonnière de leur force de travail et l'exploitation qui en découle. L'article analyse ces facteurs et met en évidence l'importance sociale de cette pratique qui reflète et qui contribue à modeler le caractère domestique de la forme productive pratiquée par les Tobas.
Parmi les migrants, travailleurs dont le nombre croît sans cesse - ils sont aujourd'hui plus de 35 millions - les femmes asiatiques constituent le groupe dont l'expansion est la plus rapide. L'Asie est le théâtre d'une "industrie de la migration" en plein essor, tant légale que clandestine, qui offre une sous-traitance de main-d'oeuvre à quelques-unes des économies les plus riches et dynamiques du monde, à un coût humain souvent très élevé.
L'Australie et le Canada partagent une histoire coloniale commune, une géographie, une économie et une démographie similaires ainsi qu'une forte tradition contre l'immigration autre qu'anglo-celte, même si tous deux sont des pays d'immigration. Cet article analyse les ressemblances et les différences par rapport aux migrations de main-d'oeuvre et aux relations entre la force de travail immigrée et la force de travail locale. L'arrivée de travailleurs européens, puis asiatiques, fut perçue de manière similaire en Australie et au Canada : les syndicats étaient hostiles et même ils faisaient preuve de préjugés raciaux tant vis-à-vis de l'immigration de travailleurs embauchés que vis-à-vis de l'immigration assistée. L'auteur analyse ici l'évolution de ces relations au cours du XIXe et du XXe siècles.
Cet article traite des dimensions de race, sexe et classes sociales qui entourent le développement de la force de travail «contingente», dans l'économie des Etats-Unis. Cette désignation concerne les travailleurs dépourvus de la sécurité d'emploi fixe : intérimaires, saisonniers, entrepreneurs, travailleurs à temps partiel, sur contrat, sous-traitant, etc...). Les exemples présentés montre l'articulation des trois dimensions à ce nouveau type de main-d'oeuvre, une main-d'oeuvre flexible soumise aux fluctuations économiques. L'auteur montre que ces «arrangements» précaires défavorisent femmes, minorités ethniques et ouvriers blancs non qualifiés, et qu'il s'agit là d'une exploitation du travailleur. L'intersection entre travail «contingent» et stratification sociale illustre la permanence de la lutte de classe.
A partir de différentes sources documentaires notamment de la presse, l'auteur analyse l'installation et l'adaptation des Italiens en Australie (North Queensland, Ingham). Recrutés pendant les années 1890 comme une alternance «blanche» à la force de travail des insulaires de couleur du Pacifique dans l'industrie sucrière, les Italiens avaient leurs défenseurs et leurs détracteurs parmi les Australiens. Ingham, la ville du Queensland ayant la plus forte proportion d'Italiens dans sa population fit preuve de tolérance. Toutefois, même ici, un siècle d'histoire italo-australienne a été ponctuée par une dure compétition à propos des travaux de la coupe de la canne à sucre et de la propriété agricole, de la plaie ethnique du crime, des accrochages entre les fascistes et leurs adversaires et de vastes internements d'Italiens pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour analyser la stratégie d'optimisation du rapport salaire-qualification que poursuivent les entreprises multinationales asiatiques en exportant leur main-d'oeuvre vers les pays du Golfe Arabo-Persique, l'auteur propose une synthèse de trois théories. Il étudie ensuite la spécificité des relations économiques entre les divers pays d'origine et le Golfe, s'attardant sur le cas de la Corée du Sud (entrées en devise, disparité de salaires par nationalité et besoin en main-d'oeuvre des entreprises coréennes). Il examine, enfin, la gestion de la force de travail sur place.
Les spécificités d'une gestion sectorielle de l'emploi : le bâtiment-travaux publics, dont le mode d'accumulation est fondé sur une utilisation massive de la force de travail étrangère. Caractéristiques de la crise économique dans le bâtiment. Typologie des ripostes à la situation de crise : réorganisation de la production avec de nouveaux modes d'utilisation de la main-d'oeuvre et stratégies particulières de trois entreprises de construction. Nouvelles formes de gestion, mobilisation, usage de la force de travail en général et place des immigrés dans la restructuration en cours : travail intérimaire, faux salariés et faux artisans, travail noir, sous-traitance entraînant précarisation et segmentation au sein de la population étrangère.