La fermeture en 2002 du centre de Sangatte où s'entassent plus d'un millier de personnes chassées de chez elles par des conflits et des crises aiguës, aboutit à leur dispersion progressive dans ce que l'on appellera bientôt des jungles, disséminées sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord, et qui suscitent des élans de générosité de la part des populations locales. Depuis, la situation n'a cessé d'osciller entre violence (expulsions, destructions, arrestations musclées) et action humanitaire. Et ce, jusqu'à l'épisode de l'été 2014 lors duquel le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve hésite entre « fermeté » et « humanité » à l'égard de migrantes et de migrants rejetés aux marges de l'Europe, victimes de ses politiques migratoires, de la fermeture de ses frontières, des dysfonctionnements du droit d'asile...
La vie de Klara Golounova et Aké Koné, demandeurs d'asile hébergés dans des centres d'accueil en France (cada), est caractérisée par une dilatation du temps et une rétraction de l'espace. Cet article explore la réalité que recouvre leur attente au quotidien. Bien entendu, il n'existe pas une seule et unique façon de faire l'expérience de l'attente et celle-ci ne constitue pas un temps homogène ni même continu. Cependant, trois séquences semblent se succéder dans l'expérience des hommes et des femmes rencontrés au cours d'un terrain conduit entre 2003 et 2008, notamment dans des centres d'accueil en région parisienne : 1. la halte qu'impose le début de l'attente et l'arrivée au foyer, 2. l'ennui qui s'installe et le temps qu'il faut remplir, 3. le contournement de l'attente.