Le problème d'une identité collective "nationale" et de sa construction ne se posa pas avant la fin du 19e lorsque la structure des vieux Empires Austro-Hongrois ou Ottoman se fissura sous les coups de boutoirs des mouvements des nationalités : alors l'unification linguistique devint un enjeu important pour le contrôle de l'espace impérial. Nations et groupes ethniques de l'Empire soviétique répertoriés à partir de 1917 furent érigés en minorités nationales ou en nations titulaires et dotées selon leur importance numérique et leur degré de conscience politique de différents attributs dans un ensemble de Républiques fédérées.
Cinq ans après les événements politiques qui se sont produits en Moldavie (août 1989), les Gagaouzes ont obtenu la reconnaissance juridique en tant que peuple vivant sur une unité nationale territoriale autonome. Les Gagaouzes sont des turcs chrétiens orthodoxes, parlant une langue de la famille du turc, de l'azéri et du turkmène. L'auteur décrit les dynamiques historiques de ce groupe sous la domination ottomane avant et soviétique ensuite. C'est après les années trente, avec la réalisation de l'homo sovieticus, que la culture gagaouze s'affaiblit. Le régime soviétique intervient directement dans tous les aspects des relations sociales. La position de la femme représente ainsi un point nodal dans l'objectif d'éradiquer les marques de féodalisme présent dans l'organisation gagaouze. Les coutumes et les rites accompagnant l'éducation des enfants, les fiançailles et le mariage ainsi que les règles sociales liées aux rapports entre les deux sexes ont été progressivement abandonnés. En même temps, ce processus d'acculturation linguistico-sociale n'a pas été définitif et, grâce à la tradition orale dépourvue de sa connotation folklorique, on voit aujourd'hui se reconstituer un peuple qui "n'était pas mort".
Avec la disparition de l'URSS, les atteintes aux droits de l'homme, en général, et plus particulièrement les exactions commises contre les minorités ethniques, se sont considérablement aggravées dans les pays d'Europe de l'Est. Si la situation est préoccupante en Russie, elle semble très alarmante dans les républiques de Lettonie, de Moldavie et d'Ukraine, où le nombre de réfugiés potentiels y augmente régulièrement, avec la violence, l'anti-sémitisme, et l'avènement du nationalisme.
La question linguistique est au centre de l'agitation en République Moldave. Un club littéraire et musical est à l'origine de la renaissance d'un mouvement démocratique moldave qui prône le soutien aux réformes de Gorbatchev, l'appui aux revendications nationalistes moldaves anti assimilationistes et proémancipatoires à l'encontre de la bureaucratie brejnévienne, hostile à la pérestroika et encore en place. Depuis janvier 1980, l'ensemble des organisations alternatives moldaves propose le contrôle de la vie économique de la république, la protection de l'environnement, la reforme agraire, le respect des droits de l'homme, la démocratie politique et en particulier la promotion de la langue moldave comme langue d'Etat sur le modèle balte. L'auteur souligne en retour une réaction proslave ou prorusse assez modérée.
«Parmi les nombreux troubles nationalistes apparus en URSS au cours de ces dernières années, les événements de Moldavie depuis le milieu de 1988 sont sans doute ceux qui sont passés le plus inaperçus du public occidental. Ceux-ci, bien qu'ils aient commencé brusquement en 1988, ont pourtant de solides racines historiques et revêtent en fait une ampleur plus grande qu'on ne le pense en général».