La société noire de la zone de Dibulla (côte caraïbe de Colombie) ne relève ni du modèle des sociétés marrons isolées, ni de celui, aujourd'hui courant, de l'ethnicité ou du néo-traditionnalisme religieux de type africain, ni des formes identitaires interactives dé-territorialisées du milieu urbain. Elle est constituée de réseaux de parentèle multipolaires et en lutte factionnelle virtuelle, dont l'ancrage territorial est à la fois matrifocal et religieux, grâce au culte territorial des saints et des morts. Le régime de mémoire et d'historicité et l'organisation socio-politique, qui débordent les frontières ethniques, régionales et nationales, font de cette société l'illustration d'une forme de sociabilité frontalière, non communautaire et non identitaire, rarement étudiée par l'anthropologie, et qui peut-être une facette caractéristique des cultures caraïbes.