Les émeutes ont longtemps été considérées comme des phénomènes à durée éphémère. Elles ne sont pas rares, elles sont même fréquentes sur le pourtour méditerranéen. Les réactions à l'injustice qui émanent des émeutiers se limitent-elles à l'instantané et à la violence ou possèdent-elles une trajectoire et une logique propres ? Ces contributions analysent des événements survenus en France en 2005, en Grèce dès 2007, ainsi que ceux des Territoires occupés ou ceux plus récents du monde arabe.
La Révolution est ce laboratoire paradoxal qui, à travers l'examen du passé, nous permet de penser le présent, notamment les principes qui, en France, président aux rapports que nous entretenons avec l'étranger. Comment alors penser tout à la fois l'hospitalité absolue de la Nation révolutionnaire et l'exclusion de l'espace public ces "étrangers" identifiés à des contre-révolutionnaires ?.
Le magnifique impératif de Saint-Just, «il faut que vous fassiez une cité, c'est-à-dire des citoyens qui soient amis, qui soient hospitaliers et frères», côtoie un décret qui exclut les étrangers de l'espace politique. Après avoir connu les bienfaits de l'hospitalité, l'honneur de porter le titre de citoyen français au nom de l'universalité qu'ils incarnaient, les étrangers sont devenus en l'an II d'impossibles citoyens. Tout en affirmant l'universalité du droit qui la fonde, la nation souveraine construit ses limites. Persuadée qu'il faut se laisser perturber par les résonances produites par la confrontation du passé et du présent, c'est avec une sensibilité actuelle que l'auteur, historienne, aborde le regard de la Révolution sur l'étranger. Elle saisit ainsi à leur naissance les questions qui ne cessent de se poser à la conscience politique. De l'enthousiasme de la fête de la Fédération à Thermidor, elle établit avec rigueur la chronologie des attitudes révolutionnaires, confronte les discours, la production de la loi et les pratiques administratives. Au moment où l'on assiste à la réforme du code de la nationalité, à la remise en cause du droit du sol et à la dénégation de l'hospitalité républicaine, il s'agit de méditer sur les fondements contradictoires de l'appartenance nationale et de relancer avec lucidité les dés de l'universel.
Plusieurs universalisme entrent en concurrence pendant la période révolutionnaire. D'une part l'universalité se déduit de l'usage d'une raison atemporelle, l'étranger est alors un individu, non le membre d'un autre peuple souverain. D'autre part l'universalité du genre humain provient de la réciprocité du droit de souveraineté des peuples qui se constituent historiquement. Si l'hospitalité et l'amitié faites aux étrangers sont des valeurs inconditionnelles des fervents défenseurs de l'individu, lorsque la souveraineté de l'autre peuple est reconnue il n'y a pas d'intégration possible de l'étranger dans l'espace politique démocratique national.