L'émergence de l'islam comme seconde religion de France provoque de nombreux débats qui portent sur les adaptations réciproques de la société française et des structures et pratiques de ce culte minoritaire. Mais au-delà de l'islam en tant que tel, c'est le rapport à la religion des immigrés et de leurs descendants qui est perçu comme spécifique par contraste avec celui de la population majoritaire. Mais qu'en est-il vraiment ?...
Ce document de travail s'inscrit dans une série de textes résultant de l'exploitation de l'enquête « Trajectoires et Origines, enquête sur la diversité des populations en France » (TeO). Il s'agit de versions de travail qui seront publiées sous une forme révisée dans un ouvrage aux Editions de l'Ined.
Cet ouvrage est le résultat d'une enquête inédite menée en avril 2005 sur les Français issus de l'immigration maghrébine, africaine et turque (immigrés naturalisés, les première et deuxième générations). Vincent TIBERJ et Sylvain BROUARD ont enquêté auprès des citoyens issus de l'immigration afin de savoir si leurs attitudes et préférences politiques se distinguaient de celles de leurs compatriotes. Cette enquête remet beaucoup d'idées reçues en cause, en montrant qu'être musulman ne signifie pas se retirer du modèle français. (Présentation de l'éditeur)
Cette enquête d'opinion sur les convictions politiques de Français issus de l'immigration africaine et turque interroge directement le sens commun plus ou moins implicite selon lequel " les Français d'origine africaine et turque ne sont pas comme les autres ". Sur la base d'un échantillon de 1000 personnes et d'une comparaison avec un groupe de Français dits de naissance, elle révèle des attitudes paradoxales sur le plan du clivage traditionnel entre la droite et la gauche. Les Français d'origine maghrébine et turque restent majoritairement proches de la gauche et du parti socialiste, mais placent le Président de la République au premier rang de leur sympathie dans l'ensemble de la classe politique. Ils sont très attachés à la lutte contre le chômage, à la création d'entreprise et ont une vision plutôt libérale du marché du travail et de la réussite individuelle et matérielle. Favorables à des politiques positives de recrutement ethnique, la très grande majorité des personnes interrogées témoigne un attachement fort à la laïcité, aux valeurs de la République et adhère pleinement à la notion de citoyenneté française. Cette position majoritaire contredit l'idée qu'il existerait une identité culturelle, ethnique ou religieuse revendiquée par la seconde génération.
Cet article s'intéresse à la prise en compte de l'ethnicité dans le rapport au politique des enfants issus de l'immigration récente en tentant d'en interroger la pertinence dans les modèles développés par la science politique pour expliquer "l'aliénation politique" des citoyens, leur prise de distance avec le politique. Dans quelle le parcours des enfants d'immigrés entrant aujourd'hui dans l'âge adulte se distinguent-ils des autres membres de leur génération ? Dans quelle mesure le modèle du moratoire politique s'applique-t-il à ces jeunes ? S'intègrent-ils politiquement moins bien que leurs camarades de génération ?