Les politiques de contrôle de l'immigration, voire de « fermeture des frontières » en Europe et dans les économies émergentes comme l'Afrique du Sud ont profondément altéré les dynamiques migratoires. Cet ouvrage collectif, basé sur des recherches empiriques en Afrique, explore les effets structurants et déstructurants de la diffusion du répertoire de l'endiguement, les formes inédites d'occupation de l'espace par les migrants pris en situation de transit dans les villes africaines, et finalement, les redéfinitions du sentiment d'appartenance et le sens de la liminarité expérimentée par ces migrants
Les immigrés ont-ils des valeurs spécifiques ? Cette note critique interroge la question elle-même et les ambiguïtés qui pèsent sur les catégories auxquelles elle renvoie (immigrés , Français issus de l'immigration, Français de souche, etc.). La mise en perspective du cas français avec d'autres sociétés d'immigration européennes permet de montrer que cette question est étroitement liée aux orientations politiques nationales en matière de cityenneté : elle pose de façon sous-jacente celle de l'éligibilité des immigrés à la communauté nationale et de la place qu'ils sont appelés à y occuper selon que celle-ci est définie comme pluriculturelle ou homogène culturellement. Dans une deuxième partie, on examine un ensemble de recherches françaises portant sur les valeurs des jeunes issus de l'immigration maghrébine dans différents domaines (vie familiale, sociabilités, travail, religion, vie politique, etc.) au cours des trente dernières années. [...] La nécessité d'articuler l'approche statistique et l'approche plus qualitative et de développer les comparaisons internationales, en particulier dans le cadre européen, est soulignée en conclusion. (Extraits du résumé de la revue).
La condition d'immigré est par définition ambigüe, caractérisée par des attentes contradictoires et des contraintes mutuellement incompatibles. La famille est le lieu de confluence de ces influences contradictoires, celui où doit se gérer l'équilibre entre les injonctions à l'intégration, qui poussent les immigrés à renoncer à leurs pratiques familiales traditionnelles, et les soupçons de trahison que la société d'origine fait peser sur eux lorsqu'ils s'en éloignent. Pour les immigrés d'aujourd'hui comme pour ceux d'hier, ces contradictions se gèrent le plus souvent, dans l'intimité pour éviter la rupture : les parents sachant au besoin fermer les yeux sur les transgressions mineures pour éviter le pire, les jeunes, et en particulier les filles, apprenant à ménager les images publiques sur lesquelles se basent les réputations familiales pour gagner des marges de liberté individuelle. Ce qui rend ces compromis sans doute plus difficiles à négocier pour les familles immigrées des temps présents, c'est la publicisation et la politisation de ces contradictions inter-générationnelles qui en même temps qu'elles focalisent sur des pratiques comme la polygamie, le port du voile ou les mariages arrangés, les représentations stigmatisantes sur les familles immigrées, tend à ériger ces "traditions" culturelles en symboles identitaires. A l'ère de la mondialisation, le devenir, encore incertain et variable selon les groupes, de l'immigration familiale, se noue dans les rapports complexes entre des redéfinitions identitaires qui se jouent sur la scène culturelle mondialisée, et l'intégration des descendants des immigrés dans l'ordre national, qui se joue sur le terrain socio-économique et politique de l'égalisation des chances. (Résumé de l'auteur)
Le racisme au travail est abordé ici grâce à l'étude d'une entreprise de transports publics dont l'un des problèmes majeurs est l'insécurité urbaine. Au sein de cette organisation, le syndicat a lié ces deux thématiques afin de favoriser l'intégration définitive de jeunes embauchés sur des fonctions de médiation. Le refus d'inscrire ce type d'activité dans la grille des métiers a eu un double effet bénéfique : éviter les écueils de la professionnalisation ethnique, accorder une légitimité à des savoir-faire relationnels liés à l'"origine" des jeunes salariés. On constate au total que l'option retenue par les syndicalistes de l'entreprise aura permis d'enrayer le durcissement des conflits entre les professionnels des transports et les jeunes des cités. (résumé de la revue)
L'auteur souligne l'intérêt d'étudier l'espace scolaire selon une approche constructiviste de l'ethnicité. L'école constitue un bon champ d'observation pour analyser les procédés de désignation et d'identification ethnique des élèves. Dans ce lieu où se jouent des destins sociaux, l'ethnicité apparaît d'une part comme une des ressources identitaires mobilisables par les élèves qui sont pris dans un processus de relégation. D'autre part, la tendance manifestée par l'institution scolaire à associer inéluctablement la pauvreté extrême à la différence ethno-culturelle, s'inscrit dans un processus plus ample de construction de types sociaux racisés à partir de traits comportementaux. Sans que la marque raciale soit autonome ni référée à une identité " raciale " explicite dans les interactions, elle oriente toutefois l'action publique, y compris les praticiens de l'école.
Cet article présente la monographie d'un réseau familial qui s'étend sur deux espaces : la ville de Grasse dans le Sud de la France et de la ville de Tunis. Il montre comment ce réseau s'est constitué au cours de la migration par un double processus : une clôture activement entretenue envers l'extérieur, passant par la pratique intensive de l'endogamie familiale, et un travail continu de reformulation du lien collectif à l'intérieur, permettant d'intégrer dans un cadre commun des intérêts matériels et symboliques divers. Loin d'être la simple transposition d'un espace traditionnel de type villageois, cette organisation des relations sociales sur une base familliale permet à ses membres d'expoiter de façon originale les ressources de l'espace transnational ouvertes par le processus migratoire. (résumé de la revue).
Le retablissement d'un discours souvent positif sur les étudiants étrangers en France et l'assouplissement des dispositions qui les concernent arrivent à briser les discours stigmatisants des années Quatre-vingt. La rupture avec les conceptions précédentes est réelle sur le plan officiel. Cependant, dans la mesure où le discours officiel tente d'optimiser la ressource économique de l'afflux de "cerveaux" dans l'Hexagone en essayant de manager à la fois la question de la limitation des flux migratoires et de l'attraction des étudiants du monde occidental, ce discours même reste ambigu.
Dans un texte qui recueille les matériaux de nombreuses années de recherche sur le terrain, l'auteur se focalise sur les relations que les migrants nord-africains entretiennent au sein de leurs familles, notamment lors des mariages des enfants nés en France. Ce qui à première vue pourrait paraître de l'ordre du conflit entre la culture traditionnelle - qui fait référence à l'islam des pays des migrants - et la culture française dans laquelle ont été socialisés leur enfants, n'est pas forcément vécu de cette façon par les acteurs sociaux. Pour les immigrés un mariage approprié doit seconder les coutumes matrimoniales de la lignée familiale et devrait être conclu selon des procédures traditionnelles. En revanche, la plupart des enfants nés en France considèrent le mariage comme le résultat d'une rencontre élective entre deux individus et donc comme une question personnelle entre eux. Les malentendus entre ces deux catégories d'acteurs sont alors généralement imputés aux différences de culture et aux conflits entre "la tradition" et "la modernité". L'auteur montre comment cette tension entre tradition et modernité, plus qu'être d'obstacle à la communication ou représenter un motif de conflit, constitue la même base pour les négociations d'identité qui ont lieu dans la vie de famille au quotidien.Les contradictions entre les points de vue des parents et ceux des enfants n'impliquent pas de confrontation directe entre les deux pour éviter qu'une des deux parties soit obligée à renoncer à leurs convictions en faveur des autres. La contradiction n'est jamais confrontée ni éclairée, elle est plutôt contournée par des stratagèmes pouvant permettre à chaque partie d'avoir le sentiment que les choses se sont déroulées selon sa volonté. C'est ainsi que le même choix apparaîtra comme étant conforme aux traditions musulmanes ou aux idéaux modernes selon les circonstances et suivant le point de vue pris en compte. L'essentiel n'est pas que les règles soient appliquées au pied de la lettre, mais que les personnes puissent invoquer les normes qui paraissent en pleine cohérence avec l'image que chacun se fait de soi. Loin d'assurer le dialogue entre les deux parties, la différence culturelle entre les parents et les enfants est gérée de façon à en organiser les malentendus qui ouvrent la possibilité aux compromis et aux négociations entre les deux générations. (Simona Tersigni)
A partir de trois exemples de Tunisiens installés en France (Grasse), les auteurs montrent que l'organisation familiale, sa cohérence ou sa désintégration est fonction des représentations sociales que créent des contextes locaux et leurs relations de voisinage. Le contraste entre un modèle traditionnel de mariage bigame importé dans un village mais dont la descendance est un modèle de réussite respecté par les Français et les attitudes de délinquance qui déstabilisent les relations enfants-parents, dans la cité de la Zaïne, oblige à repenser le cadre intégrateur de la famille comme un effet de désignation propre à la société d'accueil.
Si la recherche sur les relations ethniques a mis tant de temps à se constituer en France, c'est que, plus peut-être que dans tout autre domaine des sciences sociales, la traduction des problèmes sociaux en objets de recherche sociologique s'est heurtée à des résistances émanant non seulement de la société mais de la communauté scientifique elle-même. En dépit de ces difficultés spécifiques, la recherche française a produit au cours des vingt dernières années une somme considérable de travaux sur les phénomènes interethniques qui, considérés dans leur ensemble, soutiennent largement la comparaison avec les recherches menées dans les autres pays européens.
Ce dossier est constitué de quatre parties traitant du bon usage du concept d'ethnie en France, de l'ethnicité au quotidien, du sentiment ethnique chez les enfants, des tensions au collège.
L'observation de situations concrètes d'interaction permet de mettre en lumière les circonstances dans lesquelles la catégorie ethnique est mise en saillance et oriente les comportements. Selon les cas, différentes facettes du concept "africain" sont utilisées. L'ethnicité apparaît comme un mode socialement organisé de compréhension du social et dépend de l'interaction. Elle n'est pas une propriété intrinsèque d'un groupe ethnique.