A la fin du XIXe siècle, dans le sud de la France, une foule en émeute massacre plusieurs ouvriers italiens. Elle leur reproche avant tout d'être ce qu'ils sont : des immigrés pauvres, des gens « déplacés ». Rien ne manque au tableau : ni, du côté des conditions ambiantes, la rareté du travail et la confrontation des communautés, ni, sur le versant cognitif, le jeu des passions nationales, l'emprise des rumeurs, la confusion politique et la force des préjugés. Sur place, aujourd'hui, la mémoire de l'événement suit des chemins troublants qui épousent les mêmes contours. L'examen de cette affaire ne nous renvoie pas à un passé révolu. Tout indique au contraire que la même configuration de pensée perdure parce que ses racines doivent moins aux circonstances occasionnelles qu'à des modes profondément ancrés de connaissance du monde. Dans la perspective d'une « critique de la raison raciste », le présent ouvrage s'efforce de mettre à nu quelques clauses essentielles de notre approche collective des autres.