Un travail ethnographique de quarante cinq mois passés à Rinelle, commune de la périphérie bordelaise, sur un terrain dit sensible, difficile, à risques nécessitant souvent plusieurs mises à l'épreuve...
Au sommaire de ce dossier :; - Introduction / Nicolas Jounin, Élise Palomares, Aude Rebaud; - Humiliations ordinaires et contestations silencieuses. La situation des travailleurs précaires des chantiers / Nicolas Jounin; - Contester le racisme en mode mineur. Engagements associatifs de femmes originaires du Mali / Élise Palomares; - Dynamiques du mépris et tactiques des " faibles ". Migrantes âgées marocaines face aux institutions d'action sociale / Fatima Ait Ben Lmadani
A partir de l'étude des pratiques de sociabilité à Saige, un espace résidentiel de la périphérie bordelaise défini comme "site urbain prioritaire" et "réputé pour sa diversité ethnique", cette recherche met en évidence les processus de production sociale de l'altérité sous-jacents aux actions municipales et à la politique de la ville. En considérant que les appartenances culturelles, ethniques, nationales, sociales - réelles ou supposées - ne se définissent pas seulement par des traits objectifs mais se construisent surtout dans les relations entre groupes, ce travail insiste sur la complexité des processus d'ethnisation des rapports sociaux. La recherche empirique conjugue une enquête ethnographique basée sur une immersion de quatre ans dans un logement d'une tour et un travail quantitatif d'exploitation de questionnaires. La restitution de ce matériau est faite sous la forme d'un mouvement entre l'étude de la quotidienneté et celle des évènements marquant l'organisation de la vie sociale à Saige. Les manières dont les "habitants" définissent les situations dans lesquelles ils sont pris font l'objet d'aménagements, de conflits, de négociation et de rapports de forces. La problématique globale à Saige est énoncée par les acteurs publics locaux en termes de citoyenneté, de territoire à "réhabiliter", à "revaloriser" et de "refondation du lien social". Des injonctions paradoxales faites en direction des "habitants" du "quartier" ont ainsi été mises en relief. Simultanément, un intérêt particulier a été porté sur la manière dont certaines populations sont englobées dans des dénominations disqualifiantes et infantilisantes comme celles de "pères", "mamans", "jeunes", "gens des tours". Il ressort qu'elles servent de substitut, d'euphémisme aux catégories ethniques socialement et historiquement construites que sont celles d'"étrangers","immigrés", "personnes issues de", "personne d'origine". (résumé de l'auteur)