L'émigration galicienne vers les Amériques a souvent été considérée comme un phénomène aux conséquences négatives pour la société d'origine. Dans cet article, l'auteur prouve que le retour a joué un rôle décisif dans le processus de modernisation de la société galicienne avant 1936. Les émigrés ont financé des écoles, des associations agraires, ont soutenu des journaux locaux dans leur lutte contre les propriétaires terriens et notables locaux et ont contribué au développement du syndicalisme ouvrier dans les régions rurales. De plus, l'auteur définit un cadre théorique du retour prenant en compte différentes variables se rapportant à une expérience associative et à un engagement politique en Amérique, au degré de mobilité sociale, etc.
L'émigration galicienne a été traditionnellement appréhendée comme une soupape d'échappement des tensions sociales du pays d'origine, et par conséquent comme un facteur qui contribua à désamorcer les conflits sociaux et politiques en Galice. Dans cet article l'auteur discute cette interprétation à la lumière de l'interaction effective entre communautés émigrées en Amérique et leur pays d'origine tant au niveau local qu'au niveau national en Galice. L'activité véhiculaire des sociétés locales galiciennes (les sociétés d'instruction) et le rôle dynamisateur des élites politiques tant émigrées que résidant en Galice ont fait partie d'un processus qui contribua au développement des principaux mouvements sociaux opposés à la prédominance des partis et des élites politiques traditionnels qui surgirent dans le pays à la fin de la Restauration.
Le phénomène de l'émigration transocéanique en Amérique a atteint des dimensions massives en Espagne (Galice) dès la deuxième moitié du XIXème siècle. L'importance de ce mouvement migratoire engendra réflexions et débats théoriques au sein des élites politiques et sociales galiciennes et suscita des prises de position du nationalisme galicien dès ses origines. Pour les nationalistes galiciens espagnols, l'émigration était un phénomène négatif qui contribuait à la destruction des caractéristiques nationales du pays bien que ce phénomène migratoire fût aussi considéré comme inévitable. En outre, les nationalistes galiciens installés en Amérique se montraient très critiques à l'égard des causes et conséquences des migrations. Cependant, les nationalistes s'avèraient généralement incapables de définir une politique d'application immédiate.
Le nationalisme galicien a reçu un appui considérable de la part des immigrés Espagnols, galiciens installés en Argentine entre 1879-1936, et davantage de la part des groupes d'élite des associations galiciennes qui cherchaient à être un leadership reconnu à l'intérieur de la communauté, opposé au pays d'accueil et à l'idéologie officielle de l'Espagne. Ces élites n'étaient pas les mêmes qui dominaient l'institution mutualiste et conservatrice du Centro Gallego depuis 1907, mais elles ont été à l'origine du mouvement associatif galicien en Argentine depuis la fin du XIXème siècle. Beaucoup de Galiciens installés dans ce pays à cette époque ont connu une conscience nationale régionaliste qu'ils ne connaissaient pas en Espagne.