Le 15 avril 2008, trois cents travailleurs sans-papiers décident de se mettre en grève. Cet ouvrage, fruit d'une enquête collective, raconte les péripéties de ce mouvement et en analyse les enjeux politiques, syndicaux et économiques.
L'auteur s'est immergé durant une année dans le monde du bâtiment, en tant qu'ouvrier ; il retrace l'itinéraire de son enquête. Conditions d'emploi et de travail liées au recours croissant à la sous-traitance et à l'intérim : division des collectifs ouvriers, pratiques illégales d'employeurs, racisme et discriminations... (extrait de la quatrième de couverture).
Au sommaire de ce dossier :; - Introduction / Nicolas Jounin, Élise Palomares, Aude Rebaud; - Humiliations ordinaires et contestations silencieuses. La situation des travailleurs précaires des chantiers / Nicolas Jounin; - Contester le racisme en mode mineur. Engagements associatifs de femmes originaires du Mali / Élise Palomares; - Dynamiques du mépris et tactiques des " faibles ". Migrantes âgées marocaines face aux institutions d'action sociale / Fatima Ait Ben Lmadani
Maintenus durablement dans un statut d'emploi précaire, les travailleurs du bâtiment doivent endurer de multiples humiliations : mensonges, agressivité verbale, moqueries, surnoms ou insultes racistes, etc. De telles humiliations sont permises par le statut relégué de leurs cibles, et dans le même temps elles entretiennent ce statut, fonctionnant comme des « pense-bêtes » rappelant la menace liée à la précarité de l'emploi...
...Un effectif nombreux et constamment renouvelé de travailleurs immigrés contribue à la construction des bâtiments. Ils sont considérés comme des bouche-trous appelés à disparaître avec la résolution, enfin, de la pénurie.
A partir du cas du bâtiment, et plus précisément du gros oeuvre en région parisienne, cette recherche veut analyser les contradictions pesant sur le travail salarié, partagé entre : 1) Son aspect de marchandise (vente simple de force de travail, conçue comme bien détachable de l'individu). 2) Et l'impossibilité de faire entièrement du travail salarié une marchandise comme une autre, de détacher l'individu de sa force de travail, de considérer les travailleurs comme d'interchangeables fournisseurs. L'octroi d'un statut, même implicite, accompagne et dépasse toujours la dimension purement contractuelle du salariat ; il encadre la fourniture de force de travail, la qualité du travail, et la loyauté du travailleur. Ce qui ne signifie pas que le statut octroyé aux travaillleurs du bâtiment est uniforme : au contraire, alors que les garanties statutaires historiquement constituées autour du salariat s'y trouvent diminuées, les statuts conférés aux travailleurs sont divers, réinventés localement, liés à des liens personnels, et parfois à l'ethnicité. Dès lors, les modalités de "disparition" et d'"apparition" du travailleur comme personne doivent être reliées aux conditions de la production. Ce qui amène à formuler cette thèse : contre les risques contre-productifs d'un travail marchandisé où le seul ressort de la fourniture de force de travail est la discipline (par la surveillance en chantier, mais aussi les statuts d'emploi, le chômage, les conditions de séjour...), le secteur du bâtiment développe parallèlement aux mécanismes de marché des protections ponctuelles, locales, informelles, créatrices de loyauté, qui dépassent le contrat de travail. Ces protections prennent la forme d'allégeances individuelles, mais aussi de "préférences ethniques", de discriminations racistes (la valorisation des uns impliquant la dévalorisation des autres). Le passage entre ces deux formes de protection est assuré par la généralité du recrutement par cooptation. (Résumé de l'auteur)
L'ethnisation de relations de travail n'est-elle qu'un débordement, un calque de rapports sociaux plus globalement ethnicisés ? Ou le milieu de travail construit-il une ethnicisation spécifique, reliée aux enjeux, aux statuts, aux rapports produits par l'organisation du travail et des emplois ? Au travers du cas du BTP, et plus particulièrement du gros oeuvre en Ile-de-France, cet article penche pour la seconde hypothèse. Il semble que les modalités de recrutement et d'utilisation de travailleurs immigrés dans le processus de production ont articulé une hiérarchie professionnelle et statutaire (au métier et à la qualification des individus vient s'ajouter la question cruciale du statut d'emploi, distinguant principalement "embauchés" et intérimaires) avec un classement ethnique des travailleurs. Cette situation favorise une lecture ethnicisée des chantiers et des comportements de chacun, que ce soit du côté des employeurs ou des salariés. Mais parler de "lecture" ne doit pas neutraliser la dimension stratégique de légitimation ou de constestation de rapports de domination que comportent ces discours.(résumé de la revue)
Exemple d'une étude des relations interethniques dans le travail.