E. Hobsbawm revient sur certaines questions majeures qui ont marqué la fin du 20e et cherche à anticiper leur évolution dans le monde de demain.
Entretien avec l'historien E.Hobsbawm qui retrave les lignes essentielles de son oeuvre.
Ce recueil d'essais d'histoire sociale montre les conditions historiques de phénomènes que les différents auteurs analysent en termes d'invention de la tradition, en distinguant bien ce concept de ce qui relève de la coutume, de l'innovation, et de la routine. L'invention de la tradition se réfère à des productions culturelles (autant des pratiques que des apparats symboliques) de la modernité ayant pour but implicite de réintroduire des repères face au changement social et économique. Il s'agit en particulier de la fabrication - entre le XVIIe et le XVIIIe siècle - de multiples objets dont la valeur symbolique a été construite par la référence à un passé présumé, remontant à la nuit des temps. Dans le cas du kilt écossais il s'agissait notamment de marquer l'opposition politique au pouvoir majoritaire anglais et de sauvegarder les intérêts économiques d'un industriel - quacker anglais originaire du Lancashire. Dans une même logique, l'Etat-nation a représenté en soi une tradition inventée qui a dû se doter de ses cérémonies et de ses symboles (y compris la République française). Le concept d'invention de la tradition parait fonctionner autant dans le contexte européen que dans l'Inde victorienne et dans l'Afrique australe colonisée.
Depuis le début des années 1990, plusieurs Etat-nations se sont constitués ou ont amorcé un processus de formation, ainsi en Europe de l'Est (éclatement de l'Union soviétique et de la Yougoslavie). Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui la nation est visiblement en train de perdre une partie importante de ses fonctions. Il s'agit principalement de la crise de l'économie nationale conçue comme territorialement définie et formant un bloc dans l'ensemble de l'économie mondiale. L'économie transnationale exerce son influence sur les fonctions économiques des Etats et les oblige à repenser leurs rôles.
Les nations ne sont pas " aussi vieilles que l'histoire ". Si le sens moderne de ce mot ne remonte pas au-delà du XVIIIe siècle, dans les décennies qui suivirent, la littérature scientifique pourtant prolifique n'a pas analysé en profondeur la multiplicité des " nationalismes " historiques, sociaux, locaux, leurs programmes politiques et leurs Représentations. Le livre s'organise en six parties. La première traite du libéralisme et de " l'Ere des révolutions " : ici le premier sens de nation est éminemment politique, il équivalait à la fois au " peuple " et à l'Etat. Selon cette conception la nation était l'ensemble des citoyens dont la souveraineté collective constituait un Etat qui était leur expression politique mais le nationalisme libéral l'autodétermination était concevable uniquement pour les nations considérées viables. La deuxième partie porte sur le protonationalisme populaire : l'histoire sociale ici montre la nébuleuse qui entoure les questions ayant trait à la conscience nationale avant que le nationalisme ne soit devenu une force politique de masse. La troisième partie montre comment à la fin du XIXe siècle les exigences techniques de l'Etat administratif moderne ont encouragé l'apparition du nationalisme. La quatrième partie souligne la difficulté à étudier la signification de la conscience nationale des masses. Considérer la relation entre éléments nationalistes et socialistes fait émerger des aspirations pouvant s'exclure mutuellement, à savoir le noyau des mouvements nationaux de masse. La cinquième partie concerne l'apogée du nationalisme (1918-1950) et la sixième aborde le nationalisme à la fin du XXe siècle en relation avec la division internationale du travail.