Dossier qui privilégie la prise en compte de la manière dont les générations qui se succèdent contribuent à notre histoire et à notre humanisation.Si la transmission d'une culture, d'une croyance a longtemps semblé allé de soi, aujourd'hui l'éclatement des espaces intergénérationnels crée des situations dommageables . La transmission parentale reste encore à questionner.
Dès notre naissance, nous sommes confrontés à l'"étranger" : cette rencontre qui constitue l'essence de la différence entre "nous" et l'"autre". L'exclusion et la peur de l'étranger, depuis le Moyen-Age, à travers les figures de l'aubain, du forain et du passeur étudiées ici, démontrent notre tendance permanente à privilégier ce qui relève de l'inertie et de la familiarité.
L'auteur tente de réfléchir sur le sens fondateur se manifestant dans l'acte de transmission; transmission d'un nom, d'une culture, de valeurs. Selon lui, si l'acte de transmission n'a pas lieu peuvent se produire alors des ruptures et des conflits entraînant la mort imaginaire ou réelle d'un individu ou d'une collectivité. Il propose de réfléchir à une véritable éthique de la transmission; transmission non du pareil mais du différent.
Qu'en est-il de l'étranger lorsqu'il se trouve réduit à ne plus être représenté que par un système de signes, de désignations péjoratives. N'est-il pas tenté de s'identifier à sa langue jusqu'à s'y confondre ? N'est-il pas parfois enclin à donner au souvenir événementiel, historique et géographique, une valeur sacrée pathétique au risque de frapper d'interdit sa fonction d'écran aux réminiscences ? Un ensemble de douze articles.
A la fin des années 1970 la France accueillit plus de 150 000 réfugiés du Cambodge, du Vietnam et du Laos. Parmi eux quelques 40 000 Laotiens dont environ 10 000 Hmong, population d'origine montagnarde représentant une minorité dans ce pays. Cet ouvrage examine les réponses symboliques et pratiques de cette population au contact d'une autre culture. Il montre également comment celle-ci, projetée dans une société économiquement plus développée et socialement plus différenciée, doit s'appuyer sur des mécanismes sociaux au cours desquels les règles, les normes et les valeurs sont imposées par le collectif aux individus... mais il montre aussi comment cette situation leur impose de laisser se développer en leur sein de multiples formes d'individuation et des différenciations.
La récitation "nos ancêtres les Gaulois" dans les écoles de la République et jusque dans les colonies, loin de correspondre à une acception essentialiste de l'identité nationale, révèle bien plutôt la prétention de l'universel de la France républicaine, signifie l'ouverture infinie à l'Autre - l'étranger à intégrer. Selon l'auteur, c'est lorsque nous oublions cette part de nous-mêmes, le composé pluriel, hybride de notre identité, que cette dernière finit par être pervertie.
Compte-rendu de l'ouvrage "Autour du riz" présentant trois contributions sur les pratiques alimentaires de populations asiatiques installées en France. Ces contributions offrent trois tableaux ethnographiques des changements alimentaires vécus par des représentants de deux populations du Sud-Est Asiatique, elles-mêmes culturellement contrastées puisque les Vietnamiens font partie du monde sinisé, tandis que les Khmers ont été marqués par l'influence indienne.
Cet article est centré sur les pratiques alimentaires de groupes familiaux hmong originaires du Laos, l'auteur restitue les matériaux collectés auprès de six familles pendant une semaine (82 repas) lors d'une enquête en milieu urbain français. Ces pratiques alimentaires s'organisent autour de plusieurs pôles culturels. Le pôle hmong relativement prédominant et stable avec la présence structurelle d'un équilibre "sauté" "bouilli, le riz et le piment comme éléments les plus récurrents, certains "légumes hmong" du potager et l'usage régulier de la cuillère. Le pôle asiatique pour les repas festifs avec des plats vietnamiens, laotiens ou chinois. Le pôle "moderniste" avec l'enrichissement en protéines, la commensalité mixte et l'apparition de certains comportements alimentaires individualistes. Ces pratiques illustrent ainsi certaines tendances de la culture matérielle contemporaine marquée par le polycentrisme (plusieurs sources culturelles) et les syncrétismes (mélange accidentel ou construit de ces sources).
Après avoir présenté les deux grands types de nomination en vigueur dans la société hmong au Laos («nom d'enfant» et «nom de maturité»), l'auteur expose les résultats d'une enquête qui a permis de collecter 147 prénoms donnés à des enfants nés en France dans les quinze dernières années. Il en ressort une diversité de choix sous la forme de cinq principaux types de prénomination (nom hmong traditionnel, prénom français, nom hmong et prénom français, nom hmong «nouveau» ou «nom de maturité» donné à la place du «nom d'enfant» traditionnel, nom d'enfant «traditionnel", enfin, nom créé d'inspiration pluriculturelle). Cette diversité et ces changements peuvent également être lus à travers le prisme du changement social tel qu'il s'amorçait au Laos, juste avant la migration, et surtout tel qu'il s'est poursuivi en France. Changement social et processus d'acculturation, tous deux régis par une tension entre aspiration à la ressemblance et souci de la distinction, seraient mutuellement liés.
L'auteur, psychanalyste né hors de France, nous livre ses réflexions sur le concept : étranger et la condition de tous ceux qui, perçus comme différents (immigrés, juifs, lépreux, tsiganes, prostituées, forains, apatrides, etc.) connaissent la marginalisation. Le caractère général de cette approche - fruit d'une double expérience professionnelle et individuelle - des notions de différence, d'altérité, d'identification, d'exclusion, transcende les sociétés et époques à travers la référence aux juifs. Les propos sont ponctués par des «arrêts sur image» insérés dans le texte et complétés par une fable, abordant ce sujet complexe sous un autre jour.
Dans les familles immigrées, il arrive parfois que le père de famille «taise» sa langue d'origine. Ceci provoque des troubles psychologiques et de la personnalité importante chez les enfants. Ces derniers sont étouffés par une affection maternelle débordante et le silence du père provoque une perte de repères ancestraux, très perturbateur pour l'enfant qui pour fuir, s'adonne à la toxicomanie pour «oublier».
Tout sujet en même temps qu'il s'inscrit dans une histoire collective élabore une construction singulière entre tradition et modernité. Reconnaître la permanence des faits de culture procède d'un «lien social qui permet alors au sujet» d'affronter la discontinuité. Méconnaître l'acte fondateur et de différenciation à l'oeuvre dans toute transmission renforce et entraîne les phénomènes de crise d'identité ou de repli sur la spécificité (culturelle).
L'auteur s'interroge sur la signification et le rôle de la transmission. Le lien social qui semble aller de soi dans les sociétés stables et sédentarisées se désagrège lors de situations de rupture tels que l'exode rural ou les migrations. Les attitudes de repli vers la tradition tout autant que le silence sur l'histoire et la mémoire collectives sont sources de destructuration. L'auteur tente de construire un autre rapport à la transmission et en propose une nouvelle éthique.
A partir d'études sur les rituels de naissance chez des familles de l'ethnie hmong vivant en France depuis une quinzaine d'années, et les rituels magico-propitiatoires dans le cadre d'entreprises ou de commerces localisés à Paris et tenus par des Chinois originaires du Vietnam, du Laos ou du Cambodge, l'auteur propose quelques remarques sur la pratique rituelle, sur les phénomènes de distanciation qui s'opèrent. Il montre que ces pratiques religieuses ont su trouver place dans le monde urbain français des années 1980 sans tensions ni conflits apparents.
L'article étudie un groupe de locuteurs chinois originaires du Cambodge, du Vietnam et du Laos et devenus «patrons» quelques années après leur arrivée en France comme réfugiés dans les années 1975. Il a pour objectif de mieux comprendre les conditions sociales et culturelles de leur repositionnement économique. L'auteur établit une première association entre les ressources linguistiques dont dispose ce groupe social et le fait de devenir «patron» dans le contexte parisien. Puis il décrit comment s'incarnent la notion vernaculaire de «relation» et quelques valeurs modales comme la «face», la «confiance», la «réputation». Cette analyse générale, qui prend constamment en compte les données culturelles propres à cette fraction de population, relativise néanmoins l'approche culturaliste car la possession des diverses ressources évoquées repose toujours sur des trajectoires individuelles et familiales envisagées comme des accumulations de pratiques dont la diversité et la densité déterminent les efficacités.