En Norvège, l'indépendance a précédé le nationalisme. L'imagerie nationale oppose un folklore élitaire aux superstitions populaires. La norvégianité, s'appuyant sur l'individualisme et l'utilitarisme, privilégie l'homme au territoire, la mer et le voyageur à la terre et au sédentaire. La pensée de l'anthropologue Frédérik Barth, analysée à la suite, permet de comprendre l'individualisme méthodologique comme l'expression d'une conception profonde de la personne dans la culture norvégienne.
A l'échelle des territoires urbains, l'image de l'étranger s'est puissamment modifiée en quarante ans. Si les trente glorieuses avaient pu maintenir la séparation public-privé, la période suivante a produit un «étranger intérieur» en réponse à la crise économique. L'ethnique est pensé en lieu et place du social, et le pauvre perçu comme culturellement différent.
Histoire de la reconnaissance d'un patrimoine ethnologique français. Au contraire de l'Europe centrale et septentrionale, la France a privilégié l'exotisme aux recherches sur ses terroirs et au développement du folklore. Les années soixante-dix constituent un tournant radical, avec l'apparition des écomusées, ruraux ou industriels, et l'effervescence d'associations locales promptes à réaffirmer des identités délaissées. Ces initiatives versent parfois dans le populisme et la cristallisation de pratiques culturelles en décalage avec l'homogénéisation croissante de la société française.
La Suisse, terre traditionnelle d'émigration, voit sa balance migratoire se renverser entre 1890-1914, puis après 1939. L'avant première guerre mondiale correspond à une période d'intégration nationale. Les étrangers investissent les constructions de voies ferrées et les métiers du bâtiment. Au discours libre-échangiste s'oppose rapidement la crainte d'une «surpopulation étrangère», en particulier italienne, perçue comme menaçante pour l'indépendance de la Suisse. Au point de vue législatif, la perspective assimilationniste coexiste avec une véritable ségrégation des étrangers (en court séjour) et des nomades.
L'étude des faits nationaux par l'ethnologie suppose une distanciation de l'objet, afin d'échapper aux risques d'une ethnologie nationale. L'auteur développe une méthodologie d'étude : accepter sans présupposé l'ensemble de ces faits; définir des unités de sens génératrices d'affects, sans toutefois les assimiler à des propositions. Utilisant l'exemple hongrois, il distingue le patriotisme du nationalisme : par l'espace contre la filiation et la descendance; par l'irréductibilité de la patrie à un contenu religieux ou politique; par sa sacralisation; enfin par le culte des morts, entretenu avec soin dans le cas du patriotisme hongrois, il conclue sur l'hétérogénéité et l'interpénétration des espaces patriotiques.
L'exemple des Catalans illustre la théorie de la constitution de l'identité nationale sur la même logique et les mêmes principes que l'identité familiale, en s'appuyant sur des métaphores généalogiques et naturalistes. La diversité est perçue dès lors comme constitutive du groupe.
De la nation moderne, telle que le siècle des Lumières l'engendre, ont été retenus deux actes fondateurs. Le premier ancre l'appartenance dans des références communes, une tradition reconnue, un patrimoine. Le second écarte plus ou moins de ce partage les non-originaires, voire les citoyens de second rang. Engendrer ses ancêtres et désigner ses étrangers sont les gestes qui inscrivent la nation au cour de nos sociétés. Pourtant, dans l'Europe du XXe siècle, que de différences dans la mise en ouvre de cette forme commune. Sous l'universalité du modèle national se dessine, dans la façon de traiter du patrimoine ou de l'étranger, une large diversité d'histoires et de cultures. Aujourd'hui, les bouleversements qui touchent l'Europe ont soudain ravivé un débat dans lequel l'ethnologie se trouve forcément embarquée. Ses mots les plus courants - "culture", "ethnie", "tradition", "patrimoine" ne sont-ils pas parfois devenus des armes ? Venus de six pays, ethnologues et historiens de la culture ont dressé un bilan, ouvert un dialogue, et tracé les perspectives d'un nouveau chantier de l'ethnologie dont ce livre témoigne. (Présentation de l'éditeur)