Outre le poids de l'héritage chrétien sur les rapports entre religion et politique, trois raisons invitent à accorder une attention particulière aux réactions de l'Eglise catholique face à l'islam en France : sa position de protagoniste religieux majoritaire, ses engagements dans la question de l'immigration et sa relative familiarité avec les musulmans ainsi que les enjeux liés à l'institutionnalisation de l'islam. Dans cette perspective, l'intégration de l'islam ne se négocierait pas seulement dans le cadre d'un triangle de relations entre les musulmans, la société et l'Etat : l'Eglise catholique aurait un rôle particulier dans cette négociation. Dans un premier temps, l'auteur analyse les facteurs historiques et sociologiques qui expliquent que le jeu de médiation de l'institution catholique s'effectue en faveur de l'intégration de l'islam ; dans un second temps, il pondère cette analyse au regard des recompositions en cours tant du côté musulman que du côté catholique.

Le revirement de la position des catholiques vis-à-vis des musulmans en France s'explique, selon l'auteur, par la représentation que l'Eglise se faisait de celui qu'elle parrainait : la solidarité d'alors était basée sur le fait que la condition sociale, économique et politique de l'immigré était prépondérante. S'il est identifié en tant que musulman, l'immigré devient un rival pour l'institution religieuse catholique, ce qui modifie les relations chrétiens-musulmans.

Les Eglises majoritaires, catholique en France, catholique et évangélique en République Fédérale d'Allemagne furent parmi les premières institutions à prendre acte de la présence de l'islam, contribuant ainsi à favoriser son intégration et à poser la question de son droit de cité dans ces sociétés. Dans cet article, l'auteur analyse à quel titre et à quel niveau l'institution religieuse intervient de la sorte et en fonction de quel contexte et de quelle perception des musulmans elles le font. Ces manifestations de solidarité ne sont pas le fruit d'une stratégie concertée mais le résultat de la conjonction de deux facteurs : d'une part, des interactions qui existent à la base entre certains milieux d'Eglise et immigrés de tradition islamique; d'autre part, du renouvellement doctrinal conduisant les Eglises à un engagement pour les droits de l'homme et à une conception plus irénique des relations entre le christianisme et les religions non-chrétiennes.