Cartes d'identité, fiches d'état civil, relevés bancaires, etc., autant de papiers à porter sur soi : ils gouvernent nos rapports sociaux, dessinent une administration domestique et révèlent des pratiques quotidiennes. Pourvoyeurs d'identités, ces documents, qui répondent à une obligation généralisée de s'inscrire et conditionnent l'existence de l'individu dans une société d'ordre graphique, n'ont jamais fait l'objet d'une étude ou d'une réflexion sérieuse. Voici enfin une approche originale et inédite sur un sujet que l'on se contente, en général, de rabattre au rang des problèmes pratiques, sans en mesurer la véritable portée. Cet ouvrage conjugue le registre affectif et intime (notations personnelles de l'auteur dont l'époux est fils d'immigrés arméniens) et l'analyse de cette raison graphique qui, secrètement, nous conditionne et nous gouverne.
Puisque le social codifié et codificateur produit, reproduit de l'écrit en nombre pour nommer, décliner, assigner (à) des identités, pourquoi ne pas en faire la matière d'une recherche aux frontières du littéraire, du sociologique et de l'anthropologique, qui tenterait de débusquer les marques identitaires fabriquées par tous ces papiers pourtant simplement censés les fixer. Selon l'auteur, les papiers d'identité sont une "écriture agissante" qui littéralise la métaphore spatio-temporelle de l'ancrage social et historique de tout individu. Du patronyme à ses marges, le cursus identitaire suit aussi l'ordre graphique qui jalonne notre mémoire et interpelle notre présence dans ses diverses figures.