Le Père. D'aucuns disent l'absent, le défaillant, le démissionnaire, dévalorisé. Il nous a semblé utile d'aller d'un père à l'autre, et partant de Dieu le père d'interroger tour à tour le père du temps passé, celui du temps présent, celui de la loi et de la société, le père de la psychanalyse et quelques autres, avant d'aborder, côté indien, le père créole.
Dans le cadre d'une consultation d'orientation éducative gérée par les services de l'éducation surveillée, nous rencontrons régulièrement des adolescents et de tout jeunes adultes maghrébins immigrés de seconde génération. Pour la plupart délinquants, ils questionnaient ce monde et sa loi et, en retour, étaient soumis à la question par eux. Les «aveux» que nous étions sensés recevoir, étaient en fait d'étranges confessions, où ils ne disaient rien : un désinvestissement massif, radical et temporaire, qui laisse des traces dans l'inconscient sous forme de «trous psychiques». Ces adolescents nous paraissent écartelés, partagés entre le monde d'ici et un ailleurs, ici et là-bas, eux et leur double.
L'adolescent est une personne et il dit au travers de son passage à l'acte le trouble de sa personne, intime, profonde, qui entre certes en résonance avec ses mondes sociaux, culturels ou historiques mais qui est aussi sa façon propre à lui, de vivre avec ses mondes intériorisés. Ainsi la tentative de suicide des adolescents ne saurait être pensée exclusivement au passage à l'acte. Elle trouve aussi ancrage dans le passé, phases précoces du développement, les premières relations avec le monde et les parents.