Comment se construit la ségrégation entre enfants d'immigrés et enfants de Français dans l'espace scolaire ? L'article rapporte les résultats d'une recherche sur les collèges de l'académie de Versailles. La ségrégation y est étudiée comme processus résultant de différents facteurs. Ainsi la concentration des enfants d'immigrés se trouve accentuée par les pratiques de mise à distance sociale et physique dont ils sont l'objet. Dans le contexte d'apparition du "marché scolaire" et de "l'école à plusieurs vitesses", la relégation des enfants d'immigrés en des lieux et places fortement dévalorisés et stigmatisés ne risque-t-elle pas alors de se transformer en exclusion sociale ?
La ségrégation spatiale des populations issues de l'immigration en France est analysée à différentes échelles. L'échelle du quartier est plutôt caractérisée par la diversité ethnique dans laquelle les populations d'origine étrangère, sociologiquement minoritaires mais numériquement considérables marquent le paysage et la société. L'auteur s'interroge sur la nature et la dynamique des processus ségrégatifs à partir d'une étude de l'espace scolaire. Entre 1975 et 1990, l'augmentation de la présence d'enfants d'immigrés a entraîné une accentuation des écarts entre communes de forte et de faible concentration des jeunes issus de l'immigration. Partant d'une étude effectuée à Asnière-sur-Seine, l'auteur montre jusqu'à quel point cette commune cristallise tous les éléments favorables à la constitution d'un ghetto scolaire, dont l'origine se situe dans la ségrégation spatiale.
Au nord de l'agglomération parisienne, la commune d'Asnières, localité traditionnelle d'accueil des vagues migrantes, est nettement divisée entre quartiers bourgeois et populaires. Un curieux découpage de la carte scolaire amplifie la ségrégation sociale et ethnique. Là où le public scolaire comprend une proportion plus forte d'enfants d'origine maghrébine, le nombre d'élèves issus de milieux favorisés baisse sous l'effet notamment de déplacements dérogatoires vers l'établissement le plus prestigieux. Mais celui-ci, jouxtant des cités récemment dites « sensibles », connaît aussi la fuite d'une partie de ses effectifs vers les établissements privés.
Cette recherche en cours propose d'étudier les relations entre espace social et espace éducatif - où interagissent les stratégies des élèves, des parents, des enseignants... - sur la réussite scolaire. L'hypothèse est que la concentration et la relative captivité scolaire des élèves issus de l'immigration contribuent à former des contextes qui influent négativement sur les chances de réussite.
Un nombre important de travaux sociologiques se sont intéressés aux scolarités des enfants d'immigrés. Peu d'entre eux ont cependant intégré dans leur grille d'analyse la dimension spatiale, localisée, voire contextualisée, de cette "reproduction" sociale. Dans cette communication, l'auteur montre l'intérêt d'une telle approche et précise quelles ont été les catégories de travail mobilisées (populations) et les différentes échelles spatiales.