Au sein de l'Empire britannique et plus tard du Commonwealth, les populations d'origine indienne se sont souvent déplacées pour des raisons diverses : exil politique ou économique, travail sous contrat dans les plantations, exode des cerveaux, réseaux de commerçants. Les romanciers contemporains du sous-continent ou de la diaspora ont maintenant un important public anglophone dans le sous-continent comme en Occident. Ils racontent ces déplacements de façon neuve. Le premier besoin est celui d'inscrire sur la durée l'histoire de ces populations souvent longtemps installées en Afrique ou aux Antilles, mais gardant sur le long terme la mémoire de mouvements successifs. Les écrivains définissent ensuite le moment de la décision de partir, moment tragique sous la poussée de la violence politique, ou séduction de l'image de pays plus riches. Ils décrivent ensuite l'adaptation difficile dans le nouveau pays, thème connu mais renouvelé par la familiarité culturelle paradoxale dans les Etats du Commonwealth, et la politique communautariste, au Canada par exemple, qui regroupe des communautés disparates. Enfin tous les auteurs soulignent le caractère transitoire de cette phase où l'exil est encore ressenti.
Cette introduction à la fiction écrite par et sur les cultures immigrées au Royaume-Uni est centrée sur l'analyse du roman de Rushdie (S.) dans son contexte historique et littéraire. Les différentes oeuvres ont pris comme sujet non le pays d'origine, mais l'Angleterre multiculturelle. Rushdie complète, avec son dernier roman, une trilogie commencée sur l'Inde et le Pakistan, en décrivant le Londres moderne, vue par l'oeil du migrant. Le roman a un ancrage précis dans la réalité sociale et politique des dernières décennies. Les problèmes abordés sont dans la continuité de la littérature antillaise puis indienne : retour aux origines, échange culturel, adaptation du nouvel arrivant, racisme. Mais l'écrivain propose aussi une vision neuve : il refuse les clichés, comme les symétries commodes du choc des cultures. Au terme de son exploration, il fait de la condition de migrant la condition humaine par excellence, souligne que les inégalités les plus graves ne sont pas dûes au seul racisme, et termine sur la célébration de l'hybridité.